ZOOM DANS LES ENTRAILLES DE LA MINE DE LA CABANE À VILLARD-SAINT-PANCRACE
30 janvier 2024La mine de la Cabane.
L’ère de l’exploitation
Dans un premier temps, le “charbon de terre” servait à la fabrication de la chaux pour la construction des forts mais aussi comme mode de chauffage pour les garnisons. Cependant des analyses menées dès le XVIIIème siècle révèlent et confirment le manque de qualité de ce charbon. Ce dernier étant terreux et friable, il ne peut plus être utilisé pour la construction. C’est ainsi que le 21 janvier 1733, la commune de Villard-Saint-Pancrace pose un règlement expliquant les bases de l’exploitation minière.
Le village devient le centre de production de charbon au service du Roi, Louis XV, et se positionne comme une ville centrale dans les échanges du Briançonnais. L’exploitation des mines durera jusqu’en 1982 puis s’arrêtera à la suite de conditions de travail difficiles. Les blessures et les problèmes respiratoires tels que le silicose étaient de vrais fléaux.
Le travail à la mine
Pour extraire le charbon des mines, les paysans-mineurs devaient creuser dans la roche. Ils se servaient d’explosifs pour créer des galeries et entrer profondément sous la terre. À l’aide d’un outil, ils perçaient un trou et inséraient la “marmotte”, l’explosif.
Pour évacuer la rocaille, mais aussi pour récupérer le charbon, des rails de fortune ont été installés. Ce n’est qu’une fois la galerie terminée qu’ils pouvaient construire un wagonnet adapté à sa circonférence.
Pour utiliser le charbon extrait et ainsi se chauffer, il fallait le réduire en poudre et le mélanger à de l’eau. On appelle cela le pétri. C’est cette préparation qu’on insérait dans le poêle grenoblois pour se chauffer.
En travaillant sous terre, plusieurs paramètres ont permis de déterminer la durée de travail, la complexité mais aussi l’équipement nécessaire. Malgré l’interdiction, les paysans-mineurs utilisaient souvent les lampes à carbure. Les lampes étaient des outils essentiels pour la sécurité et la productivité de ces derniers. La première cause pour l’interdiction des lampes était que certaines pouvaient devenir trop risquées à cause de la présence du grisou, gaz à base de méthane, explosif en contact de l’air.
Les principales veines de charbon dans la commune ont été localisées entre le torrent des Ayes et le Gros Rif entre 1200 à 1400 mètres d’altitude. Au XIXème siècle, les galeries n’atteignent pas plus de 100m de profondeur, alors qu’au XXème siècle, elles s’étendent jusqu’à 400m. Plus de 200 galeries ont été exploitées sur Villard-Saint-Pancrace.
Les mines de charbon
Cette exploitation s’organise entre communes rurales, groupes de propriétaires-cultivateurs et entrepreneurs locaux. Dès 1800, un code forestier très contraignant cause la multiplication de concessions entre 1805 et 1904. Une concession est un accord juridique autorisant à explorer, exploiter et extraire des ressources minérales du sol. On en compte une cinquantaine dans le Briançonnais, plus ou moins fructueuses. Le charbon devient, alors, le combustible qui remplace le bois, les populations sont ainsi restreintes à cette seule faible ressource en hiver. Mais l’exploitation tombe à pique et profite ainsi à la population en devenant un métier financièrement intéressant pour les populations qui étaient tentés de partir.
Cinqs grandes concessions sur la commune
- Saint-Jacques et Saint-Jean : deux concessions qui ont été très exploitées, partagées entre sociétés minières et paysans-mineurs. Leur exploitation a cessé en 1975.
- La Plainte Saint-Pancrace : peu exploitée, elle s’arrêtera dans les années 30.
- Le Grand-Villard : une des plus grande concession, en faisant partie des plus anciennes et des plus actives de la région avec sa dernière concession en 1988.
- La Tour : la seule concession exploitée par puits jusque dans les années 20.
Découvrir la mine de la Cabane
Après ce partage historique réalisé par Yvon Colomban, on part avec Maëlle et Maëlys du Centre Montagne, jusqu’à la mine de la Cabane. Nous empruntons le sentier des mineurs pendant environ ¾ d’heure. Cette randonnée est accessible en famille, avec un petit dénivelé de 200m environ, donc pour des personnes habituées à marcher régulièrement.
Le sentier passe dans les bois où nous pouvons déjà observer des vestiges du passé. En effet, des entrées de galeries sont encore visibles, mais inaccessibles car rebouchées.
Nous pouvons également remarquer la présence de câbles métalliques, qui servaient à acheminer le charbon en le faisant glisser sur le câble, ainsi que des rails de fortune encore installés sur le sentier et qui permettaient de déplacer les wagonnets.
Arrivées devant l’entrée de la galerie, on enfile le casque et allume la lampe frontale. Il faut imaginer qu’à cette époque, les paysans-mineurs allaient seulement travailler à la mine l’hiver, car le reste du temps ils s’occupaient de leurs cheptels et de leurs champs.
On se retrouve alors dans le noir, le dos courbé, faisant attention à ne pas se cogner la tête contre le plafond de la galerie. Au sol, on observe des traces de marmottes, avec les trous de leurs terriers encore bien visibles.
La visite dans la galerie dure une vingtaine de minutes environ. Des pensées concernant notre rapport actuel au travail viennent en tête. L’impression de rentrer dans un monde parallèle et comparer nos plaintes de ce qu’on arrive aujourd’hui à supporter et ce que nos anciens ont vécu et accepté. C’est avec les yeux plein d’admiration que l’on continue la visite.
Le paysan-mineur
“Le mineur est avant tout un paysan, et se perçoit comme tel.”
Une fois les travaux de culture d’été terminés dans les campagnes, les mineurs peuvent retourner extraire le charbon dans les mines.Travailler à la mine n’était pas une contrainte. Ils étaient patrons, libres de leur organisation. Leur emploi du temps avait une seule contrainte : la saisonnalité.
Il ressort très clairement des témoignages d’anciens mineurs, un certain bonheur à aller travailler à la mine, avec un fort sentiment de liberté. L’intensité et la détermination au travail dépendait des besoins du mineur, en fonction des besoins de la famille. L’activité de mineur n’étant que complémentaire.
Dans le Briançonnais et plus particulièrement à Villard-Saint-Pancrace, le métier de mineur était transmis de père en fils, en travail d’équipe. Les instructions venant des ingénieurs des mines étaient bien reçues, mais ne furent pas toujours utilisées.
Chaque mine, chaque quartier et chaque village avait son mode de fonctionnement. Et souvent des conflits pouvaient éclater avec les gardes-mines, présents pour faire respecter les dispositifs techniques et particulièrement attachés à leur manière de procéder.
Les différents outils
- La ramasse ou schlitte vosgienne servait à transporter le charbon. On pouvait y déposer jusqu’à 250kg de charbon.
- Les mulets servaient à charger le charbon. Une grosse roue avec une caisse posée était charriée par le mulet.
- La pioche pour briser la roche et extraire le charbon.
- La barre à mine est un levier qui permettait de soulever et déplacer des blocs de charbons ou de roches lourdes.
- Le marteau et le burin servaient à détacher le charbon des couches de roche plus dure.
- La lampe à huile était pour l’éclairage
- Le ventilateur manuel était utilisé parce que l’air ne circulait pas correctement, ainsi les ventilateurs manuels réduisaient les risques liés aux gaz toxiques.
- Le crible et le tamis étaient utilisés pour trier le charbon en différentes tailles.
- Les paniers et sacs servaient à transporter le charbon hors des mines, dans des paniers en osiers, sacs en toile…
- Les échelles étaient particulièrement utiles dans les mines verticales, des échelles en bois ou en métal servaient à descendre dans les galeries et remonter.
Retour dans le passé
C’est une vraie transmission de souvenirs du passé de Villard-Saint-Pancrace, la découverte d’un échantillon de ce qu’était la vie des paysans-mineurs au XVIIIème siècle, mais également une balade agréable en forêt jusqu’à l’entrée de la mine, avec des vestiges du passé présents tout au long de cette randonnée.
C’est toujours impressionnant de se retrouver sous terre, avec très peu de lumière. Notre imagination nous emmène vers une vie plus ancienne avec des moyens et des besoins bien différents. Les cinq sens en ébullition, l’histoire se dévoile petit à petit pour nous laisser bouche bée devant de tels travaux. Laissons place à la découverte !